Les Ingénieures

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Les Ingénieures forment sur le Seed une société étrange, qui doit sa survie à un savant mélange de respect strict de leurs propres procédures et d’une bonne dose de débrouillardise pour faire face à ce que personne n’aurait pu prévoir. Elles n’ont pas pu compter que sur la chance pour poursuivre leur voyage, génération après génération, malgré les accidents, les pénuries et les tensions, mais toutes ces épreuves les ont enrichies d’un savoir-faire et d’un savoir-être qu’elles prennent grand soin à transmettre à leurs successeuses.

Naissance


L’un des seuls devoirs auxquels aucune Ingénieure ne peut se soustraire, c’est celui de mettre au monde un enfant sain pour prendre sa relève. Elles disposent d'une liberté relative pour choisir le moment adéquat, à la seule condition qu’il y ait toujours dans la lignée à laquelle elles appartiennent au moins une autre femme fertile ou en passe de le devenir dans les années à venir. Si suite à un accident quelconque une lignée ne compte plus qu’une seule femme fertile, cette dernière est tenue de faire de sa procréation une priorité absolue, et ce même si elle a déjà enfanté une première fois.

Quand le moment est convenu une planification est établie en partenariat avec les Sanitaristes-Généticiennes, qui ont tout pouvoir de décision en matière de reproduction. Ce sont elles qui sélectionnent, parmi la large banque de sperme héritée de la planète-mère, le père du futur enfant, suivant un protocole qui leur est propre pour limiter les risques de tare d’origine génétique. Quand leur choix est arrêté elles invitent l’Ingénieure à suivre un traitement hormonal en vue de récolter un certain nombre de gamètes. Ceux-ci sont inséminés artificiellement et maturent dans un premier temps en environnement contrôlé pour s’assurer de leur viabilité. Un seul (le plus prometteur) sera implanté pour éviter les grossesses gémellaires (à risque), les autres restant conservés un moment encore en cas de perte prématurée de l'enfant.

Si cette étape est un succès, la grossesse se poursuivra de façon naturelle, sous la surveillance étroite des Sanitaristes-Généticiennes qui prendront toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’embryon se développe à terme et en bonne santé. Cette période est considérée comme une période de repos, où l’Ingénieure est dispensée de ses tâches habituelles et peut s’essayer aux activités de son choix, à condition qu’elles soient approuvées par les Sanitaristes-Généticiennes qui la suivent. Elle n’a en revanche plus le droit de quitter le Noyau durant tout ce temps.

Si de très nombreux examens ont lieu dans les premières phases de la grossesse pour repérer les anomalies de développement, sa fin représente elle aussi un moment délicat pour limiter au maximum deux situations à risque : la naissance prématurée et l’accouchement chirurgical. Les Sanitaristes-Généticiennes affirment en effet d'expérience que les enfants qui naissent dans ces conditions ont statistiquement une santé plus fragile, menant à des drames qu’il vaut mieux éviter, quitte à forcer la mère à garder le lit sur la toute fin si elles l’estiment nécessaire.

L’enfant n’est considérée comme faisant partie intégrante de l’équipage qu’à partir du moment où, après l’avoir scrupuleusement examinée, les Sanitaristes-Généticiennes affirment qu’elle grandira en bonne santé. Cela peut aller très vite comme prendre une bonne partie de la petite enfance s’il y a des complications à l’issue incertaine. Dès que cette période délicate prend fin, toutefois, le nom de l’enfant est révélé lors d'une courte cérémonie à laquelle tout l'équipage est invité. Elle reçoit par ailleurs à cette occasion le titre d’Aspirante-Ingénieure.

La mère, quant à elle, est encouragée à allaiter son enfant aussi longtemps que nécessaire, que ce soit au sein ou via un tire-lait. C’est toutefois le tout dernier devoir qu’elle aura envers sa fille : quand celle-ci sera sevrée elle tombera sous la responsabilité de la communauté toute entière, et non plus sous la sienne propre. Les Ingénieures qui se sentent la fibre maternelle continueront à s’occuper de leur propre enfant aussi longtemps qu’elles le souhaitent, mais les autres pourront déléguer ces tâches sans que cela ne leur soit jamais reproché.

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Aspiranat


La petite enfance d’une Aspirante-Ingénieure se passe exclusivement dans le Noyau, plus sécurisé et adapté à la croissance en raison de la gravité artificielle qui y est générée. Si sa génitrice peut continuer à être présente aussi longtemps qu’elle le souhaite, la responsabilité de l’éducation est progressivement transférée au corps des Sanitaristes-Pédagogues.

Au fur et à mesure de la croissance de l’enfant celle-ci est aussi invitée à assister divers corps de métier, pour en apprendre leur fonctionnement. Toute Ingénieure aura au moins une vague idée de ce que fait chacune de ses consœurs, mais finira toujours par se spécialiser en fonction de ses affinités, de ses facilités d’apprentissage, mais parfois aussi des besoins du Seed. On ne forcera jamais une fille à embrasser une vocation dans laquelle elle sera médiocre ou malheureuse, mais en cas de pénurie dans un corps tout sera fait pour le rendre désirable. Si au début l’Aspirante papillonne entre les trois corps de métier, elle passera donc progressivement la majorité de son temps dans l’un d'entre eux seulement pour finalement devenir l’assistante officielle de ses mentors dans la ou les spécialités qui l’intéressent.

Sa formation prend fin au moment où les aînées qui l’encadrent estiment leur recrue autonome dans au moins une expertise et capable de s’y perfectionner sans supervision. Un autre critère veut que, au-delà de la seule compétence technique, la personne doit avoir fait preuve d’une certaine maturité et accepter pleinement et sans regret son rôle dans l’entreprise collective qui est la leur. Cet évènement est marqué par une nouvelle cérémonie, durant laquelle la jeune femme prononce le serment qui la fait officiellement rentrer dans la caste des Ingénieures :

Je, …, Ingénieure nouvellement promue dans le corps des …, promets solennellement de mettre mes compétences et ma personne au service de la pérennité de la mission qui m’a été confiée et d’exercer mes prochaines fonctions avec dignité et conscience. Je reconnaîtrai, m'étant informée et instruite par tous les moyens à ma disposition, la responsabilité de mes actes et ne m’en déchargerai sur nul autre. Je respecterai les décisions de mes paires dans les domaines où elles sont souveraines et n’y opposerai qu’un éclairage sincère et mesuré sur les faits dont elles n’auraient pas connaissance. Je formerai celles qui prendront ma suite avec le même soin au moins que j’ai été formée en mon temps et ne renoncerai jamais à m’améliorer ni à améliorer l’expertise de mes paires dans les domaines que j’aurai étudié. Par cette promesse je reconnais que mon existence fait partie d’un tout qui dépasse ma propre personne et je m’engage à consacrer ma vie à ce que ce tout me survive. Que mes paires m’honorent de leur respect aussi longtemps que je tiendrai cette promesse ; qu’elles me raisonnent si je m’en écarte ; qu’elles me refusent tout soutien si j’y renonce.

La prestation de serment marque son passage à l’âge adulte et le droit de faire valoir directement ses opinions parmi les autres Ingénieures.

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Système de santé et fin de vie


Le Seed a beau être un espace protégé, la vie dans l’espace reste une forme de survie, qui appelle à une utilisation raisonnée des ressources et à un certain sens du sacrifice chaque fois que nécessaire. La santé et le bien-être des Ingénieures ne sont pas pour autant négligés, bien au contraire puisqu’un corps tout entier se dévoue à cette tâche : celui des Sanitaristes. Leur mission nécessite une attitude proactive, plus ou moins intrusive dans la vie de leurs protégés, leurs interventions peuvent par moment agacer mais participent à l’hygiène générale de l’équipage.

Avec un risque de contamination extérieure quasiment nul (et concentré sur les seules sorties des Machinistes-Minéralurgistes, dont les procédures de quarantaine et de décontamination ont fait leurs preuves), les pathogènes présents sur le Seed sont tous bien connus, documentés, et soigneusement monitorés pour suivre leur évolution. Les épisodes épidémiques sont donc rares et très vite mis sous contrôle, quant aux maladies non-contagieuses elles sont généralement tout aussi bien traitées. Les principaux facteurs de risque viennent plutôt des blessures accidentelles, en particulier dans la Coque où les imprudences peuvent se payer plus ou moins cher en fonction des circonstances.

Pour les maux chroniques, la prévention est privilégiée à chaque fois que possible, de façon individuelle. Les Sanitaristes-Nutritionnistes sont ainsi très attentives aux carrences, excès et allergies éventuelles dans la préparation des repas, tandis que les Sanitaristes-Kinésiologues préparent des entraînements spécifiques en fonction de la morphologie et des responsabilités de chacune, y compris des simulations d’accident pour apprendre à y réagir de façon appropriée. À la base de tout, les Sanitaristes-Pédagogues enseignent aussi aux enfants depuis leur plus jeune âge l’importance de l’hygiène et le respect à apporter à leur propre corps.

Un aspect sur lequel les Sanitaristes ont moins de contrôle, passé l’étape critique de la conception, ce sont les prédispositions génétiques. Les Sanitaristes-Généticiennes ont développé une large expertise à ce sujet et elles ont éliminé au fil du temps un grand nombre de bombes à retardement du pool génique des différentes lignées d’Ingénieure, mais en de rares occasions une anomalie mal documentée, sous-estimée ou dont le risque est estimé comme acceptable refait surface. En fonction de la gravité de la situation plusieurs décisions peuvent être prises, allant de la simple adaptation des conditions de vie et de travail au retrait définitif de la personne de la liste des candidates à la reproduction au sein de sa lignée, en passant par des investigations approfondies pour réduire le risque de résurgence de la maladie sur les générations futures.

Dans tous les cas tout le monde reçoit toujours de gré ou de force les soins adéquats pour se remettre au plus vite des maux subis, peu importe leur origine, et voit sur ce temps sa charge de travail adaptée en conséquence, avec des réorientations professionnelles possibles pour les séquelles à plus long terme. La question se corse toutefois au moment où cela entraîne une incapacité lourde et définitive, engendrant de fortes douleurs ou limitant fortement l’autonomie de la personne. L’état de fait ne peut être déclaré que par un comité de Sanitaristes réunissant au moins un représentant de chaque spécialisation, qui ne prennent pas cette décision à la légère au vu de ses lourdes conséquences.

Quand elle est prise toutefois elle revêt un caractère irrévocable. Le choix est généralement alors laissé à la personne intéressée de continuer à vivre de cette façon ou de demander aux Sanitaristes de mettre fin à ses jours au moment de son choix. Si pour diverses raisons la personne n’est pas ou plus en état de faire ce choix, le même comité le prend pour elle. Cependant en dehors du coup au moral que peut représenter cette sentence cela ne change pas grand-chose aux soins qu’on lui apportait déjà si elle choisit de vivre : même si une vieille règle lui interdit de bénéficier de certains médicaments en cas de risque de pénurie, personne ne se souvient quand elle a été appliquée pour la dernière fois.

En bonne ou en mauvaise santé, fauchées dans leur prime jeunesse ou rattrapées par leur âge, Ingénieures comme Aspirantes finissent cependant toutes par mourir. Si le décès en lui-même est traité avec beaucoup de pudeur, avec une dépouille rapidement mise à l’écart dans un caisson réfrigéré, la cérémonie d’adieu qui suit prend un caractère nettement plus solennel, incluant tour à tour les trois corps de métier. Les Sanitaristes, tout d’abord, apprêtent le corps et l’escortent jusqu’au Noyau, où un drap a été préalablement préparé par les Écologistes pour son dernier voyage. Toute personne qui le souhaite peut alors exprimer son sentiment ou déposer sur le drap l’hommage de son choix. À l’issue de la cérémonie le corps et les hommages éventuels sont soigneusement emballés puis escortés par les Machinistes jusqu’aux docks des Machinistes-Minéralurgistes, qui organisent alors une sortie exceptionnelle pour larguer cette cargaison particulière dans le vide spatial, de préférence dans le champ d’attraction d’un corps céleste.

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Références


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Rédigé par @Shad Elbereth

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